Affaire Polanski, les faits, rien que les faits.

Affaire Polanski, place aux faits et au droit.
Yael Mellul est coordinatrice juridique du Pôle d'Aide aux victimes de violences, au Centre Monceau CEAP. Elle co-pilote le groupe de travail "emprise, violences psychologiques ", au Secrétariat d'Etat chargé de l’égalité FH et contre les discriminations.
Yael est également ex-avocate pénaliste, spécialiste de la violence conjugale. Elle nous retrace dans cet article l'historique des faits, rien que des faits.
Je lis avec stupéfaction, et de plus en plus, que Polanski aurait purgé sa peine.
42 jours de prison pour avoir violé une gamine de 13 ans. Cette fake news, car c’en est une, a même fait son apparition sur le Wikipédia de Polanski. Il s’agit là d’un mensonge. D’un révisionnisme pervers de la situation juridique réelle de Polanski.
Place aux faits, et au droit.
Les parents de Samantha Geimer déposent plainte et six chefs d'accusation sont retenus contre Roman Polanski : « Fourniture de substance réglementée à une mineure, actes obscènes sur un enfant de moins de 14 ans, relations sexuelles illégales, viol par usage de drogue, perversion et sodomie. »
Ils veulent à tout prix éviter le procès pour la protéger. C'est ainsi que leur avocat négocie avec le juge et la partie adverse une procédure de plea bargain : Roman Polanski accepte de plaider coupable, en échange de l'abandon des charges les plus graves. Seule l'accusation de « relation sexuelle illicite avec un mineur » sera ainsi retenue. « Oui, il s'en tirait très bien. Mais mes parents se fichaient de le voir en prison. Ils voulaient surtout qu'il reconnaisse qu'il était coupable. Et qu'on en finisse au plus vite », explique Samantha Geimer.
Le cinéaste plaide donc coupable de « rapports sexuels illégaux avec une mineure » (unlawful sexual intercourse with a minor), prévu par le code pénal californien de l’époque section 261.5 et puni de 4 ans de prison maximum.
Le 8 août 1977, un accord est conclu pour éviter un procès public. Mais avant de prononcer la peine, le juge Lawrence Rittenband le condamne à trois mois de prison pour subir des « examens mentaux ». Le 17 décembre, Roman Polanski est incarcéré à l'hôpital-prison de Chino, en Californie. La situation se présente au mieux pour lui, au vu des rapports psychiatriques. L'un évoquera même une situation d' « érotisme ludique partagé », tandis que l'autre vantera la « grande sollicitude » de l'agresseur « concernant une éventuelle grossesse ». « Un euphémisme intéressant pour "sodomie" », résume sardoniquement Samantha dans son livre.
Après 42 jours de prison, puis sa libération sous caution, le cinéaste s’enfuit des États-Unis avant l’annonce du verdict et s'envole, pour Paris à la veille de l'audience du 1er février 1978, qui devait déterminer sa peine.
Le 24 février, la justice américaine refuse de rendre un verdict en son absence. Le dossier ne sera pas rouvert pendant une quinzaine d'années. Malgré un mandat d'arrêt international lancé contre lui en 2008 par les États-Unis, Roman Polanski ne sera jamais inquiété...
Jusqu'en 2009. Il sera arrêté le 26 septembre 2009 à l'aéroport de Zurich, sur demande de la justice américaine, alors qu'il se rendait à un festival de cinéma, pour une rétrospective donnée en son honneur.
Les autorités américaines tenteront à nouveau, le 29 octobre 2014, de faire arrêter le réalisateur, cette fois en Pologne, où il s'est rendu pour assister à l'inauguration du Musée d'histoire des Juifs de ce pays.
Une demande tendant à voir reconnaître que Roman Polanski a déjà purgé la totalité de sa peine, lors de son incarcération en 1977 (rappelons qu'il s'agit des 42 jours que Roman Polanski avait passé dans la division psychiatrique d'une prison californienne) sera déposée par son avocat, en mars 2017. Il déclare que, nanti de cette assurance, Roman Polanski accepterait de se rendre aux États-Unis pour se voir signifier sa peine.
Le ministère public californien estimera que Roman Polanski demandait un traitement de faveur et qu'il n'était pas question de discuter de sa peine avant son retour aux Etats-Unis : «Le dossier est vieux de 40 ans parce que l'accusé a fui. Non seulement, il a fui, mais il s'est battu autant qu'il a pu pour ne pas rentrer. Nous ne pensons pas qu'il soit utile d'offrir à une richissime célébrité un traitement de faveur différent de celui d'un autre fugitif.»
Le juge Scott Gordon refusera de clore les poursuites pour agression sexuelle sur mineure contre Roman Polanski. Aux termes de sa décision, en date du 18 août 2017, le juge rappellera que « la société a intérêt à ce qu’une justice équitable soit rendue, ce qui ne peut être satisfait que par la continuation des poursuites » Il indiquera également que les déclarations de Samantha Geimer (implorant la clôture du dossier) prouvent au contraire que le refus de l’accusé d’obéir aux ordres du tribunal et de s’y présenter pour recevoir sa condamnation", a eu un impact "long et traumatique" sur sa vie. Le juge Gordon conclura que Roman Polanski, « à travers ses avocats, continue ses attaques contre chaque magistrat en charge du dossier (…). Une telle conduite ne constitue pas une base de clôture des poursuites. »
En conclusion :
Polanski n’a pas purgé sa peine, jamais prononcée.
Polanski est un fugitif au regard de la justice américaine.
Les faits. Rien que les faits.
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