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Consentement sexuel à 13 ans : un leurre juridique

Consentement sexuel à 13 ans : un leurre juridique

La proposition de loi de Annick Billon pose un interdit clair : dans les affaires de viol, un.e mineur.e de moins de 13 ans ne sera jamais interrogé.e sur son consentement, ce qui n'existe pas encore dans le droit français. En ce sens, il s'agit bien d'une timide avancée puisque jusqu'alors l'accusé pouvait plaider le consentement d'un.e enfant beaucoup plus jeune. Mais cette loi oblitère un point essentiel : un faux consentement induit par emprise psychologique des adultes sur les jeunes victimes, à plus forte raison lorsqu'ils représentent une figure d'autorité.

Consentement sexuel à 13 ans : un leurre juridique

Une timide avancée dans la lutte contre les agressions sexuelles sur mineurs.es.

Ce jeudi 21 janvier, le sénat a adopté en première lecture et à l’unanimité,  la proposition de loi d’Annick Billon visant à créer un nouveau crime sexuel pour protéger les mineurs.es de moins de 13 ans. Dans son article premier, la loi prévoit de punir de vingt ans de réclusion criminelle tout acte de pénétration sexuelle, de quelque nature qu’il soit, commis par une personne majeure sur un.e mineur.e de treize ans (et moins) lorsque l’auteur des faits aura eu connaissance ou ne pourra avoir ignoré l’âge de la victime. Un amendement déposé par la sénatrice Esther Benbassa précise la notion de pénétration sexuelle en l’étendant aux rapports bucco-génitaux. En d’autres termes, à moins que le parlement ne s’y oppose, il est acquis que les enfants en dessous de 13 ans n’auront plus à démontrer leur absence de consentement à des relations sexuelles avec un majeur.

Toutefois, et c'est un premier point inquiétant, l'exemption de responsabilité pénale en cas de non connaissance de l'âge, semble davantage avoir été pensée pour la défense des agresseurs que pour la protection des victimes, car elle constitue une formidable opportunité de non-lieu pour les mis en cause qui le plaideront systématiquement, attendu la quasi-impossibilité d'apporter la preuve formelle du contraire. Il serait plus approprié d'imposer la radicalité en stipulant que le crime sera établi quoiqu'il en soit de la connaissance par l'auteur de l'âge de la victime.

Si l’on peut tout de même admettre que ce texte de loi marque une rupture positive dans la pénalisation de la pédophilie, on peut interroger l’âge au-dessus duquel un.e mineur.e est censé.e être en mesure de donner un consentement éclairé à un adulte en matière de relation sexuelle. Parce que consentir ne veut rien dire en soi le législateur n’est pas allé au bout de sa réflexion. Déni de réalité, complicité tacite, méconnaissance du sujet ou je-m’en-foutisme, vont de toute évidence concourir à l’adoption d’une loi qui permettra aux prédateurs sexuels, tendance éphébophile, de limiter la sévérité de leur condamnation en arguant du consentement de leurs victimes.  

L'épineuse question du consentement.

Le consentement éclairé est défini comme un acte libre de la pensée par lequel on s’engage entièrement à accepter ou accomplir quelque chose. Cette liberté de la pensée n’est cependant pas un donné naturel, une aptitude au discernement qui apparaîtrait spontanément dès lors que l’enfant aurait soufflé ses treize bougies. Pour s’engager entièrement à accepter ou accomplir quelque chose, encore faut-il que le libre arbitre soit suffisamment étayé par des connaissances, expériences et réflexions. Et c’est bien là que le bât blesse. Car si l'on ne peut contester que les ados aient une sexualité, son expression est étrangère à celles des adultes éphébophiles. Alors que les premiers.es s’inscrivent dans la découverte, souvent empreinte d’innocence et de naïveté, les seconds visent la réalisation de fantasmes construits autour de la réification des adolescents.es.

D’aucuns argueront que les jeunes d’aujourd’hui ne sont pas ceux d’hier et que, parfaitement informés.es via le net des tenants et aboutissants de la sexualité adulte, leur consentement est de facto et incontestablement éclairé. Cependant la compréhension des enjeux de la sexualité du plaisir ne saurait simplement être acquise par la consommation de contenus pornos, car seul l’apprentissage physico-psychique apporte les informations valides pour ce faire. Les ados ne sont pas éclairés par la pornographie, mais ostensiblement désinformés par sa mystification de la sexualité et susceptibles de consentir à des propositions dont ils sont réellement incapables d'appréhender toutes les dimensions. C’est donc l’incompatibilité fondamentale des sexualités adolescentes et adultes qui aurait dû guider les législateurs et les amener à déterminer la limite d’âge en dessous de laquelle un.e enfant est de fait supposé.e non consentant.e à une relation sexuelle avec un adulte. 

Empreinte tenace de la culture du viol et/ou incompréhension généralisée de la sexualité et de la prédation sexuelle, semblent empêcher la législation de gagner en lucidité. Qu’aujourd’hui soit reconnu le caractère irréfragable du non-consentement des enfants treize ans et moins est un timide pas en avant, qui ne peut contenter ceux dont la préoccupation est la protection des mineurs quel que soit leur âge. Il est par ailleurs difficile d’imaginer le type d’argumentaire qui a présidé à la détermination de la barrière des 13 ans, quand il paraissait acquis que la majorité sexuelle était fixée à 15 ans. A minima, nous aurions pu espérer que le législateur se réfère à cette dernière, mais tel n’a pas été le cas. Rappelons que la majorité sexuelle relève d’une disposition législative de 1945, destinée à faire coïncider la loi pénale avec la loi civile qui autorisait les mariage des filles dès leur 15 ans révolus, ce qui n’est plus en vigueur depuis 2006.

L'obsolète notion de majorité sexuelle.

La majorité sexuelle, qui définit l’âge à partir duquel un.e mineur.e civil.e peut entretenir une relation sexuelle avec un adulte, sans que ce dernier ne tombe obligatoirement sous le coup de la loi, a été fixée à quinze ans. L’article 227-25 du Code pénal stipule que « Le fait, par un majeur, d’exercer sans violence, contrainte, menace ni surprise une atteinte sexuelle sur la personne d’un mineur de quinze ans (et moins) est puni de cinq ans d’emprisonnement et 75.000 € d’amende. » Toutefois, s’il est logique de comprendre ce texte de loi comme l’impossibilité pour une personne de moins de 15 ans de consentir librement à des relations sexuelles avec un adulte, dans les faits et jusqu’à présent, les juges ont admis parfois que son consentement pouvait-être retenu. Concrètement le viol sur mineur.e n’ayant pas la majorité sexuelle peut, au regard de la jurisprudence, être requalifié en atteinte sexuelle. Ce fût le cas en 2017 avec le verdict de la cour d’assises de Seine-et-Marne acquittant un homme, une vingtaine d’années au moment des faits, accusé d’avoir violé une fille de onze ans, au prétexte que les éléments constitutifs du viol, contrainte, menace, violence et/ou surprise ne pouvaient, dans ce cas d’espèce, être établis. 

Pour aller plus loin dans la réflexion, nous pourrions nous demander ce qui justifie que la majorité sexuelle s’obtienne, encore de nos jours, trois plus tôt que les majorités civile et pénale. Car si l’on admet qu’avant l’âge de dix-huit ans, un individu est considéré sur le plan juridique civilement incapable et irresponsable ainsi que pénalement susceptible de bénéficier d’une excuse de minorité, c’est bien que l’on estime que ses capacités de jugement n’ont pas atteint la maturité requise. Il est par conséquent intriguant que l’on puisse accorder au même individu le pouvoir de consentir librement et de manière éclairée à des relations sexuelles avec un majeur dès 15 ans et à fortiori dès 13 ans. La logique voudrait qu’en matière de sexualité la majorité soit portée à 18 ans, qu’en dessous de cet âge la présomption de non-consentement soit acquise, et qu’en deçà de 15 ans le non-consentement soit incontestable. 

La proposition de loi de Annick Billon pose un interdit clair : dans les affaires de viol, un.e mineur.e de moins de 13 ans ne sera jamais interrogé.e sur son consentement, ce qui n'existe pas encore dans le droit français. En ce sens, il s'agit bien d'une timide avancée puisque jusqu'alors l'accusé pouvait plaider le consentement d'un.e enfant beaucoup plus jeune. Mais cette loi oblitère un point essentiel : un faux consentement induit par emprise psychologique des adultes sur les jeunes victimes, à plus forte raison lorsqu'ils représentent une figure d'autorité.

Enfin, nous espérons que députés et sénateurs envisagerons de faire amende honorable et de revoir leur copie. Car si nul est infaillible et que l’erreur est excusable, persister dans la voie qui s’est dessinée au Sénat, serait un aveu de complicité avec cette frange de la population à la sexualité immature, voire perverse, qui sous prétexte d’assouvir ses fantasmes détruit des vies. 


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