Dans l'enfer du confinement

Confinement : une mesure de protection pour les uns, une intensification des violences subies pour les autres.
Le confinement en cours face au coronavirus est « un terreau propice aux violences conjugales » reconnaît la Secrétaire d’État Marlène Schiappa, « Une crise sanitaire peut exacerber les violences sexistes et sexuelles ou conjugales. » tweet le Secrétariat d’État chargé de l’égalité. Mais concrètement aucune mesure exceptionnelle n’a été prise pour venir en aide aux femmes et enfants victimes de violences domestiques, désormais piégés dans la cage au lion, sous constante surveillance de leur bourreau. Au contraire, la ligne d’écoute 39 19 bien que maintenue, a été réduite « pour protéger au mieux les écoutantes du virus et respecter les consignes », quand l’Espagne elle, prend une longueur d’avance.
Dans une interview donnée à France Info, Marlène Schiappa explique la réduction de l’activité du 39 19 par une diminution importante des appels journaliers, de 6 à 7 fois moins nombreux, et les contraintes techniques liées à un basculement de la plateforme afin de permettre aux écoutantes de télétravailler. Il ne s’agit donc pas de mesures exceptionnelles, mais d’une adaptation des mesures existantes déjà insuffisantes. En novembre 2019, la ligne d’écoute enregistrait près de 400 appels par jour, mais faute de moyens, les 25 écoutantes ne pouvaient répondre qu’à 1 appel sur 5.
« Le 39 19 n’est pas une ligne d’urgence, mais un numéro d’écoute » rappelle Marlène Schiappa, la plateforme https://arretonslesviolences.gouv.fr/ reste ouverte 24h/24h 7 jours sur 7.
« Arrêtons les Violences.gouv », qui renvoie notamment au 39 19, au 17 (Police Secours) et au 112 (Sapeurs-pompiers) est un site web d’information et de signalement en ligne des violences. L’accès à ce service, assuré par des policiers et gendarmes est gratuit et anonyme.
L’objectif est de permettre aux victimes d’être accompagnées vers un dépôt de plainte ou d’être orientées vers des partenaires du ministère de l’Intérieur afin de faciliter leur prise en charge sociale et/ou psychologique. Les policiers et gendarmes s’appuient sur un réseau d’associations et de professionnels formés à la lutte contre les violences sexuelles et sexistes afin de proposer un accompagnement adapté. Le portail peut également être utilisé par des témoins de violences sexuelles et sexistes pour signaler des faits à la gendarmerie ou à la police. (1)
Mais la réquisition massive des forces de l’ordre en vue de faire respecter les mesures de confinement, entraînera une diminution des effectifs de police secours.
Policiers et gendarmes ne pourront être sur tous les fronts, d’autant plus que leurs conditions actuelles d’exercice les exposent gravement au virus. En effet, alors que Christophe Castaner estime que « les policiers ne sont pas en risque » et leur refuse le port de masques (potentiellement perçus comme anxiogènes par la population), plusieurs d’entre eux affirment « tomber comme des mouches », contaminés « à une vitesse folle ». (2)
De plus, la crise actuelle entraîne déjà une saturation du standard du 17, comme à Lille où les policiers disent être submergés d’appels en tout genre, dont des dénonciations de voisinage de non respect des consignes de confinement.
Contrôles des attestations dérogatoires par des policiers à Chalon-sur-Saône ce jeudi 19 mars
/ © Anthony Borlot / France Télévisions
Si l’on ignore encore le nombre exact de fonctionnaires concernés, au 16 mars plus de 625 policiers et 350 gendarmes ne pouvaient plus travailler à Sanary-sur-Mer (Var) et Briançon (Hautes-Alpes). Dans le 1ème arrondissement de Paris, c’est une brigade de police secours qui a été placée en confinement. Des « missions non-urgentes » ne seront donc plus assurées, à la faveur de « missions essentielles » dont le respect des mesures de confinement. Ces missions seront effectuées via une réorganisation nationale des services de sécurité publique, et la constitution d’unités de réserve où seront incorporés agents administratifs comme élèves gendarmes. C’est le cas à Tulles, où 1000 élèves de l'école de gendarmerie vont être mobilisés. L'école tulliste a reçu l'ordre de mettre à disposition ses 8 compagnies sur le terrain dans le cadre de la crise du coronavirus. « Ils vont être envoyés en fonction de leur origine, selon qu'ils sont élèves gendarmes ou gendarmes adjoints volontaires dans des unités » précise le colonel Thierry Bourret, directeur de l'école de gendarmerie de Tulle. (3)
Forces de d'ordre réquisitionnées, activité du 39 19 réduite, le voeux pieux de Marlène Schiappa de "soutenir au mieux" les victimes de violences conjugales.
En dépit des dispositions du Gouvernement pour pallier ses propres défaillances en matière de prévention et de gestion de crise, cette guerre sanitaire fera de nombreuses victimes au sein des populations les plus vulnérables ; précaires, mères isolées, SDF, prostituées, migrants.es ainsi que les plus exposées ; personnels soignants, pompiers, forces de l’ordre, agents de caisse, éboueurs. Mais les femmes et les enfants victimes de violences sont les plus démunis face à un danger qu’aucun gel hydro-alcoolique, masque ou gant ne peut éviter. Quelles que soient les mesures maintenues ou mises en place, lignes d’écoutes, plateformes d’urgence leur seront plus que jamais inaccessibles, sous constante surveillance de leur bourreau, parfois dans moins de 50m2. On note par ailleurs que les interventions des forces de l’ordre suite à des signalements ont augmenté de « 32% en zone de gendarmerie » et de « 36% à Paris », annonce le ministre de l’Intérieur, proposant aux femmes victimes d'actes violents de donner l'alerte directement dans les pharmacies. Mais toutes n'ont pas la possibilité de sortir de chez elles, pas plus qu'elles n'ont celle d'atteindre téléphone ou ordinateur.
C’est pourquoi il est primordial que voisins, famille, amis, soient vigilants et réactifs. Le voisinage, lorsqu’une scène de violence conjugale éclate en composent le 17 (Police et gendarmerie) ou le 15 (SAMU). Les amis et la famille, en prenant régulièrement des nouvelles malgré les efforts de l’agresseur pour isoler sa victime, en demandant conseil ou en signalant les cas problématiques à la police et auprès d’associations habilitées. (4)
Car cela ne fait aucun doute, si en temps normal les victimes craignent le plus souvent de s’exprimer, paralysées par la peur et la dévalorisation d’elles-mêmes, l’isolement et la honte, les mesures actuelles de confinement ne feront que les enfermer davantage dans leur silence et les exposer à une intensification des violences dont nous ne pourrons mesurer l'ampleur qu'à travers les articles de presse et le décompte macabre opéré chaque année par le collectif #NousToutes.
4 - https://stop-violences-femmes.gouv.fr/-les-associations-pres-de-chez-vous-.html
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