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Denis Mukwege, prix Nobel de la paix 2018

Denis Mukwege, prix Nobel de la paix 2018

Denis Mukwege, prix Nobel de la paix 2018

Surnommé "L'homme qui répare les femmes", Denis Mukwege, gynécologue obstétricien en RDC reçoit le Prix Nobel de la paix.

C'est au nom du peuple congolais que j'accepte le Prix Nobel de la paix. C'est à toutes les victimes de violences sexuelles à travers le monde que je dédie ce prix.

Discours du Dr Denis Mukwege à l'occasion de la remise du Prix Nobel de la paix le 5 octobre 2018. 


C'est en 1996 que l'hôpital de Lemera est attaqué par les rebelles et détruit. Malades exécutés dans leur lit, personnel massacré, Le Dr Denis Mukwege échappe de justesse à la mort. Réfugié à Nairobi, il décide de retourner au Congo et c'est avec l'aide d'une association caritative suédoise, Pingstmissionens Utvecklingssamarbete, qu'il fonde l'hôpital de Panzi à Bukavu. Profondément marqué par les mutilations génitales et viols des femmes, jeunes filles, petites filles ou même bébés, il décide d'agir et de faire connaître au monde la barbarie des viols de guerre pratiqués en République Démocratique du Congo. Dans cette région de l'est du Congo où le viol collectif fait office d'arme de guerre, face à l'horreur dont il est le témoin, Denis Mukwege se spécialise dans la prise en charge des victimes de ces violences sexuelles extrêmes et devient "L'homme qui répare les femmes". 

Le 5 octobre 2018,  devant un parterre de hautes personnalités, Denis Mukwege reçoit le Nobel de la paix. Il nous livre un discours poignant, portant haut et fort la voix de celles et ceux qui n'en n'ont aucune, une vérité crue et cruelle, qui met en lumière les responsabilités que nous portons tous dans la situation dramatique que vit le peuple congolais. 

Extraits choisis

"La violence macabre ne connaissait aucune limite."

Obligé de quitter Lemera, en 1999, nous avons créé l'hôpital des Panzi à Bukavu, où je travaille aujourd'hui comme gynécologue obstétricien. La première patiente admise était une victime de viol ayant reçu un coup de feu dans ses organes génitaux. La violence macabre ne connaissait aucune limite et cette violence ne s'est malheureusement jamais arrêtée. Un jour comme les autres, l'hôpital a reçu un appel. Au bout du fil, un collègue en larmes implorait : "S'il vous plaît, envoyez-nous rapidement une ambulance, s'il vous plaît, dépêchez-vous !". Ainsi nous avons envoyé une ambulance comme nous le faisons habituellement. Deux heures plus tard, l'ambulance est revenue. À l'intérieur, une petite fille de juste 18 mois. Elle saignait abondamment et a été emmenée immédiatement en salle d'opération. Quand je suis arrivé, les infirmières étaient toutes en larmes. La vessie du nourrisson, son appareil génital, son rectum étaient gravement endommagés par la pénétration d'un adulte. Nous prions en silence, mon Dieu, dites-nous que ce que nous voyons n'est pas vrai. Dites-nous que c'est un mauvais rêve... Mais ce n'était pas un mauvais rêve, c'était la réalité, c'est devenu notre nouvelle réalité en République démocratique du Congo. 

"Fermer les yeux devant ces drames, c'est être complice."

Je m'appelle Denis Mukwege, je viens d'un pays qui est le plus riche de la planète. Pourtant, le peuple de mon pays est parmi les plus pauvres du monde. La réalité troublante est que l'abondance de nos ressources naturelles, or, coltan, cobalt et d'autres minerais stratégiques, alimentent la guerre, source de la violence extrême et de la pauvreté abjecte en RDC. Nous aimons tous les belles voitures, les bijoux, les gadgets, j'ai moi-même un smartphone. Ces objets contiennent des minerais qu'on trouve chez nous. Souvent extraits dans des condition inhumaines par des jeunes enfants qui sont victimes d'intimidations et de violences sexuelles. En conduisant votre voiture électrique, en utilisant votre smartphone, en admirant vos bijoux, réfléchissez un instant au coût humain de la fabrication de ces objets. En tant que consommateur, le moins que l'on puisse faire, c'est d'insister pour que ces produits soient fabriqués dans le respect de la dignité humaine. Fermer les yeux devant les drames, c'est être complice. Ce ne sont pas seulement les auteurs des violences qui sont responsables de leurs crimes, mais aussi ceux qui choisissent de détourner le regard.

Le peuple congolais est humilié, maltraité, massacré depuis plus de deux décennies au vu et au su de la communauté internationale. Aujourd'hui, grâce aux nouvelles technologies d'information et de communication, plus personne ne peut dire "je ne savais pas". Avec ce prix Nobel de la paix, j'appelle le monde à être témoin et je vous exhorte à vous joindre à nous pour mettre fin à cette souffrance qui fait honte à notre humanité commune.

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