Sphère sociétale

En lutte contre la pornographie contemporaine et la contre-révolution masculiniste

En lutte contre la pornographie contemporaine et la contre-révolution masculiniste

La pornographie contemporaine s’impose comme une contre-révolution masculiniste qui, sans l’exprimer ouvertement, voue une haine viscérale à l’émancipation des femmes et la féminisation des sociétés occidentales.

En lutte contre la pornographie contemporaine et la contre-révolution masculiniste

Le temps n'est plus aux atermoiements, mais à la mobilisation générale 

Alors qu’il semblait acquis que les pouvoirs publics avaient pris conscience de la violence endémique du porno contemporain, de ses effets toxiques sur la jeunesse et les relations homme-femme, force est de constater qu’une fois encore il est question de brasser de l’air, de pousser des cris d’orfraie devant la réalité en espérant que cela suffise. Pornhub et consorts peuvent donc dormir tranquilles. Leur juteux business, 90 milliards de dollars annuels, n'est pas en danger de mort imminente. Si les intérêts financiers en jeu sont souvent mis en avant pour expliquer la frilosité des politiques à s’engager résolument contre l’industrie du porno, ils ne l’expliquent qu’en partie. La principale raison de l'inaction gouvernementale ? : une population de pornophiles très largement supérieure à celle des combattant.es anti-porno. Le nombre fait loi en matière de décision politique, c’est un fait.

Que la majorité des hommes n’apportent qu’un tiède soutien à la lutte contre les pornographes n’est pas étonnant, ils sont les principaux consommateurs de leurs productions. Mais plus surprenant est l’attitude de cette frange du féminisme qui se revendique pro-porno. Surprenant, car impensable au regard de ce que la pornographie actuelle recèle de ferments antiféministes. Rappelons que le ressort érogène, central et historique, d’un contenu porno repose sur l’objectification du corps féminin, sa soumission aux désir et plaisir masculins ; que le principe excitatoire qui anime le pornophile est identique à celui du prosti-client ; et qu'en tout état de cause il s’agit de disposer, d’user et d’abuser à l’envi d’un corps masturbatoire, d’un corps défouloir. La femme en tant que sujet désirant n’a jamais eu droit de citer dans la fantasmatique porno et ne l’aura jamais, car la relation intime en mode porno est une relation unilatérale basée sur l’érotisation de l’objectification du féminin. Un fait repérable dès les premiers temps de la pornographie, qui n’a eu de cesse que de gagner en démesure depuis les années 90 et qui aujourd'hui s’exprime en termes de violence, de cruauté, de barbarie, de dégradation et d’humiliation dans un crescendo aussi infect que nauséeux. 


N’ayons pas peur de l'affirmer : la pornographie contemporaine voue une haine viscérale à l’émancipation des femmes et la féminisation des sociétés occidentales. Et on ne peut s’empêcher de penser que la gradation des violences pornographiques s’inscrit dans une réaction phallocrate à l’inscription croissante du discours féministe dans l’espace médiatique. Mais la déconstruction des schémas patriarcaux d’organisation sociale, pour salutaire et bénéfique qu’elle soit, ne trouve pas l’assentiment des pornographes. C’est le moins qu'on puisse dire. 

Entre la fin des années 60 et jusqu’au début du nouveau siècle, la totalité des chasses gardées masculines vont céder sous les coups de boutoir féministes. La masculinité dans son acception phallocrate, basée sur le mythe d’une supériorité naturelle de l’homme sur la femme, sera malmenée jusque dans l’intimité de la chambre à coucher. Car avec les revendications pour l’égalité orgasmique s'imposera une redéfinition de la virilité à l'aulne de la jouissance féminine. Dépossédée de ses privilèges, challengée sur tous les terrains, y compris celui de la sexualité érogène où désormais s'étalent au grand jour ses déficiences, la masculinité triomphante parait alors ne plus avoir de mode d’expression et devoir définitivement rendre les armes. Toutefois, un territoire masculiniste oppose une farouche résistance à l’offensive féministe : la pornosphère.

Ce n’est pas un hasard si au cours des années 90 la pornographie se radicalise dans la violence concomitamment à l’émergence des discours antiféministes portés par les extrémistes de la manosphère. On assiste alors aux prémices d’un phénomène ouvertement misogyne, d’une contre-révolution masculiniste belliqueuse qui ne cache pas sa haine de l'émancipation féminine et souhaite rétablir, coûte que coûte, la suprématie de l’homme sur la femme. Dans le champ de la pornographie il s’agit d’érotiser l’humiliation, la dégradation, la souillure du corps féminin, dans celui de la manosphère de produire une rhétorique légitimant les violences faites aux femmes. Le gonzo, sorte de porno amateur empreint de barbarie sexuelle, répond en écho au mouvement Incel qui estime que tout homme a droit à l’expérience de la sexualité et justifie le viol comme moyen pour ce faire. De marginales aux abords du 21ème siècle, ces deux expressions de l’exécration du féminin ne cesseront de prendre en démesure. Côté Incel cela débouchera sur plusieurs tueries de masse, côté pornographie sur la banalisation des productions de type gonzo, aujourd’hui très largement majoritaires sur les sites dédiés au X. 

Sans conteste s'est opérée une collusion entre pornographes et phallocrates vindicatifs de la manosphère. Une collaboration qui doit d'autant plus inquiéter que la consommation de pornographie, qui associe violences sexuelles faites aux femmes et jouissance, accroit la puissance de pénétration du message misogyne dans la psyché des pornophiles. De fait le passage à l’acte, à l’agression sexuelle, s’en trouve d’autant plus facilité qu’il est validé sur les plans émotionnel et cognitif. Une combinaison d’inspiration absolument redoutable tant pour la sécurité de la vie intime et publique des femmes que pour leur pleine liberté d'être. On s’étonne donc qu’ils soient des féministes pour défendre la production et la consommation de pornographie qui en tout point œuvrent à contrecarrer l’avènement d’une société empreinte d’intelligence relationnelle. On s’en étonne et on s’en désole, car le temps n'est plus aux atermoiements, mais à la mobilisation générale.

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