Harcèlement de rue, ça suffit !

Loi Schiappa, un bilan bien maigre.
Sera-t-il un jour possible de sortir dans la rue sans avoir à redouter d’être sifflée, insultée, tripotée ou invitée à prendre une chambre d’hôtel ? Cette question beaucoup de femmes se la posent et pour cause. Les comportements sexistes ne cessent de gagner en importance et l’espace public est devenu une terre hostile pour la gent féminine. Si le phénomène du harcèlement sexuel n’est pas récent, les frotteurs sévissaient déjà dans les transports en commun au début du 20ème, celui du harcèlement de rue l’est davantage. Devant la recrudescence des plaintes, les pouvoirs publics ont, via l’article 222-23 du code pénal, tenté d'endiguer le flot des mauvaises conduites.
Malheureusement, en un an, seulement 713 contraventions pour « outrage sexiste » ont été dressées, et on se doute qu’elles ne reflètent qu’une infime partie de la réalité de terrain. Que ces résultats soient jugés encourageants par Madame la chargée d’État pour la lutte contre les discriminations, ne peut nous faire oublier que, selon l’Ined (Institut national d’études démographiques), 3 millions de femmes âgées de 20 à 69 ans sont touchées, chaque année, par la drague importune dans les espaces publics et qu’elles seraient un million à subir des situations de harcèlement sexuel. Plusieurs millions de femmes harcelées et seulement 713 contraventions, nous sommes loin, très loin du compte. Le triomphalisme déplacé de Madame Schiappa, empreint de rhétorique politicienne, n’aidera certainement à gagner la guerre contre les violences faites aux femmes.
Une pandémie devenue banale.
Le harcèlement sexuel est un phénomène devenu pandémique et la situation ne s'assainira pas d'un coup de baguette législative. Croire que l'on peut tout régler par la loi est symptomatique d’une approche des problèmes de société qui se veut exhaustive, mais qui, en fin de compte, se satisfait de traitements de surface. Que les actes répréhensibles soient punis est une bonne chose, mais pragmatiquement parlant il paraît illusoire de pouvoir prendre en flagrant délit tous les contrevenants à la loi. En dehors d’une constatation faite sur le vif par un agent de police on doute que les plaintes déposées puissent être suivies de poursuites et encore moins de condamnations.
Le sexisme s’est tellement incrusté dans le paysage des relations entre les femmes et les hommes que certains agissements sont devenus, par la force de la répétition, normaux et largement tolérés par les premières. Il en est ainsi des sifflements et interpellations divers sous prétexte de drague qui sont jugés sans gravité par 86% d’entre elles, selon une source Ined. Plus inquiétant, une bonne moitié des femmes, se s’alarmeraient plus des insultes. Quand la banalisation des violences est telle que les victimes ne se plaignent plus des coups qu’elles reçoivent, on peut sérieusement s’interroger sur l’état d’apathie psychologique et de découragement qui frappe notre société.
Une seule réponse : éduquer.
Pondre une loi est certainement plus rapide et médiatiquement porteur que de repenser et reconstruire nos modèles éducatifs. Pourtant seule la réponse éducative est susceptible de régler les problèmes de harcèlement et mauvais comportements sexuels. Car c’est bien un défaut d’éducation comportementale d’une partie de la population masculine qui est à la source des problématiques de harcèlement. Il serait donc opportun de s’attaquer au mal en ciblant ses racines et le terreau dans lequel il puise sa substance nutritive. Dans cet objectif, Marlène Schiappa serait plus inspirée si elle s'attaquait aux discours des pornographes et des islamistes et autres religieux obscurantistes. Bien évidemment cela demande courage et ténacité, deux qualités qui ne sont plus légions dans la classe politique. Combattre les stéréotypes de genre et éduquer dès le plus jeune âge en stigmatisant les propos qui doivent l’être serait la première étape d’une reconquête de l’espace publique par le savoir-vivre ensemble.
Réagir collectivement.
Bien sûr il est simple de se dédouaner en reportant la faute sur ceux qui nous gouvernent et en oubliant qu’en tant que citoyen nous avons aussi des devoirs. Qu’on le veuille ou non, ne pas réagir face à une agression nous rend moralement complice de celle-ci. Certes, il n’est pas toujours simple de s’interposer individuellement, car nous n’avons pas tous, soit les mots, soit le physique pour le faire. Il est par conséquent indispensable que la réponse soit collective, car un agresseur rendra plus surement les armes devant une dizaine d’individus que devant un seul. La peur doit changer de camp et les agresseurs ne doivent plus avoir le sentiment que la léthargie collective leur assure d’agir en toute impunité. A cette fin certaines applications gratuites, telles App-Elles et Handsaway, permettent aux femmes en situation d’inconfort relationnel de lancer un SOS aux autres membres de la communauté.
Le combat contre les agressions sexuelles de toutes natures se gagnera par la solidarité. Ensemble nous pouvons faire beaucoup plus qu’une loi écrite sur un coin de table entre la poire et le fromage. L’engagement citoyen, au-delà de sa nécessité, ouvre la voie des possibles sociétaux nourris de respect et de savoir-vivre. N’attendons plus et face aux violences faites aux femmes, levons nous de concert avec un seul mot d’ordre : #JeRéagis
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