Sphère sociétale

La rhétorique transactiviste à l'épreuve du déterminisme génético-émotionnel

La rhétorique transactiviste à l'épreuve du déterminisme génético-émotionnel

La lutte transactiviste est aujourd’hui minée par sa frange transféminine qui impose une idéologie mortifère visant la négation de la femme en tant qu’être biologique, émotionnel, spécifique. Il est question d’effacer la femme, littéralement… le mot même est maintenant tabou.

La rhétorique transactiviste à l'épreuve du déterminisme génético-émotionnel

L'incarnation du corps de l'autre, un rêve inaccessible

C’était un sujet interdit, il est aujourd’hui médiatique. Il était cas particulier, il interroge maintenant, sur un plan globalisé, la validation de ce que nous sommes en tant qu’être humain : femme, homme, l’un et l’autre, ni l’un ni l’autre... Notre vision de l’humanité se métamorphose avec en filigrane la question du genre et l’hypothèse d’une mécompréhension historico-culturelle des entités masculines et féminines affectant la vérité acquise, ou supposée l’être, de qui je suis. La théorie d’une construction sociale du genre avait ouvert une relecture pertinente des notions femme/féminin, homme/masculin, féminité/masculinité, et permis une meilleure appréhension de la question transidentitaire. Dévoyée au profit de la cause transactiviste elle sert maintenant à la production d’un discours aussi confus qu’inaudible et l’impossibilité de formuler une définition s’imposant à toutes et tous de ce qu’est une femme, un homme, un/une transidentitaire. 

Quel est ce corps que l'on désire ?

« Dès mon adolescence, j’ai su que je n’habitais pas le bon corps, je me sentais femme, pas homme. » Cette déclaration liminaire à nombre de coming out suppose, pour être recevable, que le concerné ait connaissance de l’exacte nature de la condition de femme. Or, sans en avoir expérimenté l’incarnation, l'identification à cet autre corps, ne repose que sur la spéculation, l’idéalisation et le fantasme, sur une représentation des fondamentaux féminins biaisée par la subjectivité. La conception de ces fondamentaux est d'ailleurs au cœur du conflit qui oppose transactivistes et féministes radicales. Les premiers ne valident que leurs dimensions esthétique et sociale. Les secondes privilégient la biologie, plus précisément la génétique, pour définir l'état de femme. Et on ne peut leur donner tort, car la génétique confère un statut hormonal spécifique qui, au-delà des caractères sexuels secondaires, génère une appréhension émotionnelle du monde intimement liée à la construction inaliénable du moi féminin.

On admettra, par exemple, quand bien même se sentirait-il féminine, qu'aucun homme n'est en mesure d'éprouver la gestion des menstrues, d'en percevoir les incidences émotionnelles et encore moins d'en référer. Pourtant, l'apparition des règles est un évènement majeur de la vie d'une jeune fille, un changement radical, symbolique, qui vers l'âge de 12 ans lui fait définitivement quitter le monde insouciant de l'enfance. Le flux menstruel établi, devenue l'égale de sa mère, elle doit composer chaque mois avec un cocktail de douleur, d'invalidité, de gêne, d'inconfort, d'irritabilité, de prévoyance et d'attente anxiogène. La chose est passée sous silence, mais l’expérience menstruelle est avant tout une expérience émotionnelle qui module la conscience de l'existence dans toutes ses composantes. Plus encore, la perspective de porter la vie et d'en accoucher, dont la jeune adolescente a nourri innocemment nombre de ses jeux d'enfant, revêt maintenant la réalité plus inquiétante d'une maternité précoce, non désirée, stigmatisante. La relation à l'autre sexe se dramatise, le risque de grossesse auquel se rajoute celui de l'agression sexuelle deviennent des éléments centraux de sa perception des primo-relations intimes. Condamnée à se prendre en charge et devenir adulte dans les meilleurs délais, elle n'a plus le loisir d'une totale légèreté d'esprit. Son rapport émotionnel au monde qui l'entoure acquiert un caractère différencié.

Pour le jeune garçon pubère, il en va autrement. Son parcours de masculinisation vise la reconnaissance sociale de son état viril. Une gageure qu'il devra cependant soutenir en dépit d'une adolescence le plus souvent entachée des sceaux de la déconvenue érectile, de l'éjaculation non contrôlée, d'un complexe pénien, d'un complexe physique, en résumé d'une atteinte à son amour propre. Son vécu émotionnel n'a pas les mêmes répercussions sur sa vision du monde et son implication sociale. Pour lui il s'agit de masquer le déficit narcissique consubstantiel à ses déconvenues génitalo-sexuelles par l'adoption de comportements compensateurs qui surjouent la virilité : survalorisation de la force, attitudes agressives et homophobes entre garçons, harcèlement sexuel des filles, bagarres, affrontements avec d'autres groupes virils, intimidation, mises au défi, prises de risques inconsidérées. La masculinité toxique guettera alors l'adolescent s'il ne parvient pas à se départir d'une vision de la virilité établie sur la domination d'autrui, à se défaire de cette crispation viriliste qui lui interdit l'accès à la maturité.

Pour prolonger la réflexion sur le déterminisme génético-émotionnel, il convient de faire état du contraste émotionnel associé à l'apparition des humeurs corporelles symboliques que sont le sang menstruel et le sperme. D'une manière générale, malgré les efforts de valorisation, les règles sont toujours perçues comme une souillure naturelle, une représentation négative, qui avec la répétition et l'intensification du flux menstruel, avive chez les jeunes filles des émotions de honte et dégoût. Ainsi la plupart d'entre elles en viennent à considérer la menstruation et par conséquent le statut de femme comme dévalorisant et contraignant. Inversement, l'émission du sperme, associée à la volupté orgasmique et la validation (provisoire) de la virilité, active chez les jeunes garçons des sentiments de plénitude, de puissance et de fierté. Un fait inscrit dans la droite ligne du culte phallique qui fonde encore la majorité des sociétés humaines. Rappelons aussi que l'exhibition érogène du sperme est un marqueur historique de la pornographie, une allégorie de la domination sexuelle.

Enfin dans le cadre de cet article il était impossible de ne pas évoquer l'expérience de la maternité. Toutes les femmes ayant porté la vie l'affirment, il y a un avant et un après. Le vécu émotionnel de l'évènement, sans commune mesure d'intensité, marque le franchissement de l'ultime étape de différenciation entre les sexes. La maternité est l'expérience émotionnelle la plus emblématique du statut de femme. En témoignent ces quelques lignes  : Ma chère future maman adorée, sache que c'est la plus incroyable, la plus belle aventure que tu n'aies jamais vécue. Et si ton univers semble se rétrécir, ce n'est qu'une phase temporaire. Devenir mère est une renaissance qui apporte une nouvelle perspective de la vie, c'est un nouveau départ. En dépit du manque de temps, tu réaliseras combien cela est précieux. Tu n'en reviendras pas de ce miracle de la vie et tu comprendras que rien n'est plus fondamental que de donner naissance à un être, tu réaliseras combien c'est un privilège de femme. Et puis, il y a l'amour, le grand amour, si intense et si profond qu'il est au-delà de toute compréhension. La maternité est accablante et phénoménale, ingrate et enrichissante, incessante, mais totalement inspirante.

Indiscutablement, l’expérimentation d’émotions singulières liées au déterminisme génétique est d’autant plus prégnante qu'elle induit une expérience malgré soi. Toutefois, il demeure légitime de croire à la métaphysique de l’être, qu’il soit possible de penser la femme, l’homme, comme des principes complémentaires, primordiaux, mythologiques, spirituels et non comme des réalités génétiques. On conviendra cependant qu’exclure la génétique du champ des déterminants porte le débat sur le plan de la chose en soi et présume de la possibilité d’un ressenti, d’une identification à ce qui serait dissocié de la matérialité des choses. Je me pense femme, donc je suis femme. Mais la femme et l’homme, dans leur nature métaphysique, n’ont d’existence que dans un au-delà hypothétique et quoi qu’il en soit inaccessible à la connaissance. Raison pour laquelle la métaphysique de l’être s’aborde immanquablement sur un mode spéculatif, culturel et donc pluriel. La perception du féminin et masculin sacrés, variable dans le temps et l’espace, se révèle de facto incompatible avec la définition idéalement universelle de ce que sont une femme, un homme. 

Finalement, en dehors de la génétique, les seuls déterminants aisément associables à l’appréhension de l’autre se réduisent à des représentations esthétiques, vestimentaires et comportementales. Désirer changer de corps se comprend alors comme le désir d’incarner la représentation sociale de l’autre sexe, de prendre son apparence, de s’ajuster aux normes sociales le définissant.


Confusion. Laurent Folco. 2021.

La transition ou la théâtralisation du corps

Depuis la nuit des temps les transidentitaires sont composantes, plus ou moins visibles, des sociétés humaines. L’époque moderne n’invente rien, si ce n’est le recours à la chirurgie de réattribution sexuelle et l'idée que l'apparence fait la substance. Et là porte le questionnement sur la pertinence de cette chirurgie. Car le réel est cruel. Seins hormonés, siliconés, vulve artificielle, pénis et vagin reconstitués sont des demi-mesures esthétique, sensorielle, émotionnelle, des attributs sexuels factices dépourvus de fonction. De fait, la transition se révèle rapidement pour ce qu’elle est : une théâtralisation du corps dont la crédibilité ne tient qu'à un fil. 

Le désir du corps de l’autre n’a pas de réalisation holistique. Hormis dans sa dimension fétichiste et/ou spectaculaire la transition est une incomplétude qui au mieux satisfait aux normes esthétiques et comportementales de l’autre sexe. Les désillusions sont courantes et passée l'euphorie post-opératoire nombre de transidentitaires sont à nouveau gagné.es par le mal-vivre. D'autant plus lorsque les concerné.es sont victimes de complications postopératoires. En aucun cas la transition ne devrait être promue sur l’idée d’une vie forcément meilleure. Elle est une solution faute de mieux extrêmement contraignante et non la panacée que la doxa transactiviste et le business florissant de la réattribution sexuelle vantent dans le médias.

Être ou paraître ?

La lutte transactiviste est aujourd’hui minée par sa frange transféminine qui véhicule une idéologie mortifère visant la négation de la femme en tant qu’être biologique, émotionnel, spécifique. Il est question d’effacer la femme, littéralement… Le mot même est maintenant tabou, la bienséance transactiviste lui préfère l'appellation de personne à utérus. Le combat pour l’abolition des concepts de femme et d’homme passant par la négation du donné naturel, universel, au profit d’une fiction du genre, dont les constituants sont nourris des étalons morphologiques, des attributs stéréotypés des femmes, des hommes, reste pour le moins discutable. Par ailleurs, promouvoir l’acquisition de caractères sexuels dont on conteste l’évidence de causalité ontologique dénote un mélange d'objectifs antinomiques. Le discours transactiviste est abscons et on retiendra que dans la plus grande confusion sémantique il tente d'imposer la dissociation du paraître et de l'être. 

S'il n'est pas permis de mettre en doute la parole des transidentitaires quant à leur malaise, il semble qu’il faille le reformuler comme un trouble psychique attaché à la douloureuse impossibilité de s’identifier authentiquement dans une société qui pense en binaire. La réassignation sexuelle ne signe donc pas une revanche sur l'injustice de la nature, un accomplissement idiosyncrasique, mais la reddition de l'individu en tant qu'être singulier, sa capitulation devant les injonctions à se conformer à une polarité ou l'autre. Cela dit, persiste l'ambition humaniste d’une reconnaissance des réalités transidentitaires, de leur statut génético-émotionnel unique et d’une vision de la transidentité à l’aulne de la pluralité et non de l’amalgame. C’est par l’acception de la diversité, de sa richesse, de l’affranchissement des représentations historiques, culturelles de l’humanité, que la transidentité devra trouver sa propre voie d’épanouissement. Devenir femme, homme, ou vivre sa vérité quand bien même manqueraient les mots pour la conceptualiser, là est finalement la question. 

Crédit illustration : Laurent Folco.

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