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Megan Poe : ses cours sur l'amour captivent les étudiants

Megan Poe : ses cours sur l'amour captivent les étudiants

Megan Poe : ses cours sur l'amour captivent les étudiants

Megan Poe, psychiatre et professeure à l’université de New-York a initié un cours sur l’amour.

En deux ans, le nombre de ses étudiants a triplé. Une des clés de ce succès : l’amour sous toutes ses formes. Megan Poe a toujours été une adepte inconditionnelle de l’amour, lui vouant une véritable fascination. À 42 ans, cette psychiatre et professeure à l’université de New York a mis en place un cours sur le sujet pour les étudiants de premier cycle. Ce dernier est devenu en deux ans un véritable phénomène.

Le cours appelé L’amour aujourd’hui est centré sur l’amour en tant qu’expérience et construit autour de deux axes. L’un, vertical, part de l’amour familial, passe par l’amour collectif et se termine par l’amour universel. L’autre, horizontal, parcourt le champ et la diversité des relations amoureuses.

L’idée du cours lui est venue un soir de conférence.

Suite à la lecture publique de l’article Amour et intimité de Hatfield et Rapson, quelques étudiants séduits lui demandèrent s’il y avait des cours sur le sujet à l’université. La question fit tilt. "Je me suis aperçue que j’avais une impressionnante collection de documents sur ce thème et avec l’aide de quelques confrères psychiatres, j’ai construit un cours spécifique."  

La pensée de Megan Poe est fortement influencée par les travaux d’Erich Fromm, psychologue et auteur du livre L’art d’aimer. Pour Fromm, l’amour s’apprend, c’est un art et en tant que tel, les conditions sine qua none de son épanouissement seront travail et pratique. En pensant l’amour comme une faculté que l’on peut et doit développer, il démystifie l’amour romantique, passionnel, pulsionnel. Pour lui, toutes les relations amoureuses que nous connaissons dans notre vie doivent être abordées avec cette pensée claire que l’amour s’apprend.

Les référents de Megan Poe sont avant tout des psychologues. Cependant, elle aime à rappeler que les artistes sont des alliés essentiels dans toute tentative de compréhension des phénomènes psychologiques. Les poètes Maria Rilke, Mary Olivier, Sharon Olds ou encore Shakespeare s’invitent dans son cours.

Par exemple, la septième Lettre à un Jeune Poète de Rilke décrit deux formes d’amour, l’amour mature et l’amour immature. L’amour immature porte l’idée d’une fusion accompagnée d’un abandon d’identité : "Je veux faire ce que tu veux faire." Par contraste, l’amour mature permettrait de rester soi-même tout en étant avec l’autre. Fromm appelle cela "rester amoureux" qu'il oppose à "tomber amoureux". Megan Poe aime également citer Eric Klinenberg qui a publié un livre sur la difficulté de trouver l’amour à l’ère des sites de rencontres.

Sur ce dernier sujet, en tant qu’utilisateurs assidus des applis de rencontres, les étudiants de Poe ont beaucoup à dire. Ils reconnaissent qu’il est facile de "swiper" des profils mais beaucoup plus ardu d’appréhender les impacts de cette approche relationnelle, de comprendre comment elle modifie les rapports humains et la nature des connexions affectives. Les jeunes d'aujourd'hui savent qu’il n’est pas plus compliqué de trouver un "plan baise" que des fraises dans un hyper mais confessent leur difficulté à s’établir dans des relations stables. Submergés par les offres, ils sont confinés dans l’éphémère et n'ont pas l'opportunité d'expérimenter la relation dans son aspect intérieur, profond. 

La technologie qui permet de multiplier les contacts a généré une nouvelle problématique relationnelle.

Un étudiant rapporte : "Aujourd’hui, si tu reçois un message de quelqu’un que tu apprécies, tu vas l’envoyer à un pote pour avoir son avis, lequel va à son tour demander conseil à un autre pote et ainsi de suite. A la fin tu ne sais plus comment tu dois comprendre le message, tu es perdu."

Et même lorsqu’ils se retrouvent face à face, les amoureux restent sous le joug de leurs bijoux technologiques. Difficile de lâcher prise et de renoncer à vérifier toutes les deux secondes si l’on n’a pas reçu un quelconque message. Mais pour aimer il faut être présent.

Le cours de Megan Poe explore l’amour sous toutes ses coutures. L’amour entre parents et enfants, l’amitié, l’amour de soi, l’amour des choses, les passions, l’amour entre un étudiant et son mentor et l’amour que l’on peut trouver dans la relation avec un thérapeute. Une grosse part du travail consiste à ouvrir l’esprit des étudiants sur ce qu’est l’amour en tant que concept. 

Bien sûr, Megan Poe porte un regard culturel sur l’amour et les mots qui le définissent dans telle ou telle société. Elle est convaincue que la façon dont on parle de l’amour induit une manière de vivre l’expérience amoureuse. Les japonais ont développé un concept amoureux qui n’existe pas en Occident, "l’amae" : l’affection indulgente, concept central pour percevoir la culture japonaise. L’amae désigne un sentiment complexe de proximité émotionnelle qui existe entre une mère et ses enfants mais aussi entre adultes. En Allemagne, quand les gens disent "Je t’aime",  il faut entendre "J’ai l’amour de toi", ce qui entraîne une distanciation, une diminution du niveau d’intimité et rend les choses moins directes.  

A la fin de chaque semestre, Megan Poe invite ses étudiants à une séance de méditation. "La méditation augmente notre capacité à vivre le présent, ici et maintenant, ce qui renforce notre pouvoir d’aimer."  

L’amour n’est pas toujours synonyme de lumière et ses sombres facettes sont abordées dans le cours de Poe. Les étudiants sont amenés à réfléchir sur le côté obsessionnel de l’amour adolescent en faisant référence aux neurosciences et aux flux hormonaux qui régulent l’activité du corps. On y parle aussi de douleur, de chagrin d’amour. L’amour dans son expression déchirante reste de l’amour mais tout n'est pas négatif. "Un jeune homme se plaignait un jour à un vieil homme de souffrir d’un terrible chagrin d’amour. Que tu es chanceux répondit l’ancien, moi je tuerais pour avoir à nouveau le cœur en miettes." Il est préférable de souffrir d’amour que de ne plus rien éprouver. 

Quand il s’agit d’aborder l’amour sous son aspect biologique, Megan Poe est claire. Sans contredire les scientifiques qui pensent l’amour comme une fonction biologique renforçant le lien mère-enfant, lien indispensable à la perpétuation de l’espèce, elle souligne que pour elle, l’amour se joue sur plusieurs niveaux. "En s’en tenant à cette seule théorie, comment expliquer que les liens d’amour entre une mère et ses enfants subsistent au-delà de l’enfance, comment expliquer la douleur, le chagrin d’amour ? Je pense que l’homme est amour au sens large et cela dépasse le cadre de la reproduction."  

Et quand on demande à Poe quelle est la plus mauvaise conception de l’amour, elle répond sans détour, l’amour romantique. "La plus grosse méprise concernant l’amour vient de notre focus sur l’amour romantique. L’amour romantique nous rend aveugle du fait que l’amour est partout présent, tout le temps !"

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