#MeToo : des lendemains qui déchantent

Le changement ce n'est pas maintenant.
Un an après le tsunami #MeToo les médias s’interrogent. Le mouvement de libération de la parole des femmes a-t-il atteint son but et réussi à faire changer les mentalités masculines ? Certains l'aimeraient ou du moins qu’on fasse comme si. Que l’affaire soit classée. Parce qu’au fond, tout allait bien avant que certaines agitées du bocal décident de lever le voile sur le réel de leur condition de femmes.
On le sait, quand il s'agit de se remettre en question, les hommes ne sont pas les premiers de la classe. C'est qu’il n’est pas simple d’abandonner une position dominante et confortable. Soyons cyniques. Les femmes devraient comprendre que renoncer à des privilèges dont on jouit depuis des millénaires ne peut se faire en un tour de main. Arrêter les blagues sexistes, les remarques grivoises, les sous-entendus graveleux, les regards impudiques, les tripotages de cuisses, les frottements intempestifs, arrêter de mettre des trempes parce que la soupe est froide, ou trop salée, de violer des gamines a peine pubère, de brûler des visages à l’acide, c’est comme vouloir arrêter de fumer du jour au lendemain. C’est stupide car on risque de replonger à la moindre occasion. Qui va piano va sano dit la sagesse italienne. Si les femmes ont, du fait des contextes sociaux qui ont modelé leur condition, développé une aptitude à l’adaptation, les hommes n’ont pas eu cette "opportunité". Pendant des siècles ils ont pu agir comme bon leur semblait envers la gent féminine, c'est donc avec un étonnement courroucé qu'ils découvrent qu'ils ne peuvent plus "tremper les doigts dans le pot de confiture" sans l'autorisation de madame, qui chose nouvelle se fâche pour de bon.
Liberté d'importuner chérie.
En tant qu’homme je reste sidéré par le crétinisme ambiant qui voudrait nous faire comprendre à coup d’arguments aussi creux qu'étroits que nous n’allons plus pouvoir draguer sans risquer un détour en cour d’assise. Comment dire à ces messieurs qui pensent la drague comme une chose forcément grasse et lourdingue que l’on peut aussi tenter de séduire en appliquant quelques principes de courtoisie et de respect de la dignité d’autrui. Que les femmes qui signèrent cette affligeante tribune prônant "la liberté d’importuner", puissent ne pas s’offusquer lorsqu’un pénis durci s’excite sur leur cuisse dans les transports en commun (qu'elles ne doivent pas prendre très souvent), est une chose, me demander de la comprendre en est une autre. À titre personnel, si cela m’arrivait je ne manquerais pas d’avoir une réaction dont l’immédiateté n’aurait d’égale que la vigueur. Draguer reste possible ! Il suffit pour cela d’abandonner le vocabulaire étriqué du dragueur de base, d’accepter de considérer l’autre comme un être à part entière, avec des envies, des attentes, et de faire preuve d’un minimum d’éducation. Education… ? Le mot qui fâche ! Il est vrai que les faibles d’esprit qui pensent salope à chaque fois qu’ils voient une femme vêtue d’une jupe un peu courte, laisseraient à penser que certains parents ont confondu nourrir et éduquer. Ce qui est malheureusement vraisemblable.
La haine des femmes.
Le concept d’homme dominant est à la base absurde, mais il devient franchement cocasse quand on le relie aux discours de certains religieux. À les entendre, pour éviter tout dérapage, il est nécessaire de soustraire les femmes tentatrices au regard des hommes. Il est vrai que ces pauvres mâles dominés par leurs pulsions libidinales n’ont d’autre recours pour résister à l'appel de la chair que celui de bâcher les femmes dans des tenues vestimentaires étanches à la vue. Nous pourrions pointer avec une touche d’inconvenance le manque de puissance de leur foi, véritable poudre de perlimpinpin quand il s’agit de les aider à s’extraire de leur condition animale. Mais là n’est pas le sujet du jour.
Non, n’en doutons pas, la route sera longue avant que n’éclosent des sociétés où le féminisme n’aura plus de raison d’être. Les femmes doivent comprendre qu’il faudra du temps, beaucoup de temps pour que la pensée masculine, par nature monolithique, accepte de se rebâtir sur d’autres fondations. On ne va pas effacer aussi simplement des milliers d’années de culture androcentrée. La preuve nous en est rapportée jour après jour. Melissa Gentz, une étudiante de 22 ans, qui a publié sur Instagram la photo de son visage tuméfié suite à un tabassage en règle, a partagé un enregistrement audio on ne peut plus révélateur dans lequel un homme l’exhorte d’arrêter d’être stupide et d’accepter la domination de son homme. En clair "prends des baignes et ferme-la". Marie Laguerre, 22 ans, agressée de jour en plein Paris a dû porter plainte suite au cyberharcèlement qui la vise depuis la médiatisation de son affaire. "Mytho", "sale merde", "dévergondée", "on va te massacrer" sont une infime partie des menaces et insultes qu’elle a reçues. Se développe dans nos sociétés dites modernes, une véritable haine des femmes. Nos anciens étaient certainement sexistes, faisaient preuve d’un flagrant manque de considération à l’égard de la gent féminine, mais je ne crois pas qu’ils la méprisait au point de vouloir la massacrer. Le brassage culturel a peut-être du bon, mais la régression qui touche la pensée masculine ne peut éviter d’être observée à la lumière de certaines idéologies religieuses obscurantistes qui considèrent les femmes comme des choses dangereuses. Le message des pornographes contribue pleinement à cette ambiance de récession intellectuelle. Nous ne referons pas le fastidieux et nauséeux inventaire de leur champ lexical, mais il ne renferme aucun mot susceptible de mettre en valeur la féminité.
Au delà du féminisme.
Le combat du mouvement #MeToo pour le respect de l’intégrité physique et morale des femmes est nécessaire à l'amélioration de leur condition. Utopie ou optimisme, il me semble qu'au-delà du mouvement féministe, devrait finir par émerger un mouvement à dimension universelle, humaniste, afin que chaque homme puisse y adhérer sans avoir le sentiment de se battre contre lui-même. Car la lutte pour être victorieuse ne doit pas être celle des femmes contre les hommes, mais celle de ceux qui témoignent de valeurs morales contre ceux qui n’en ont plus.
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