Non, le 8 mars n'est pas la « journée de la femme » !
Ce jour-là, on ne célèbre pas la féminité, on n'honore pas les épouses, les maîtresses ou les mères de familles bien que le marketing « Journée de la femme » ait abondamment imprégné nos sociétés, nos modes de consommation et nos mœurs.

Le 8 mars n'est pas la journée de la femme mais « la journée internationale de lutte pour les droits des femmes ».
De tous les titres utilisés par les tabloïds pour traiter l’événement, « Journée de la femme », « Journée internationale de la femme », « Journée internationale des droits des femmes », « Journée internationale de lutte pour les droits des femmes » devrait être le seul retenu. Ce jour-là, on ne célèbre pas la féminité, on n'honore pas les épouses, les maîtresses ou les mères de familles bien que le marketing « Journée de la femme » ait abondamment imprégné nos sociétés, nos modes de consommation et nos mœurs. Ce détournement de sens relègue alors cette date à une autre saint Valentin ou une fête des mères, ce que dénonçaient déjà les féministes du MLF en France dans les années 1970, voyant ce qu'était devenu cette journée dans les pays socialistes(1). Le 8 mars, c'est le symbole de la lutte acharnée et quotidienne que mènent les femmes à travers le monde, parfois au péril de leur vie, pour l'égalité de leurs droits et le respect de leur autodétermination.
La date du 8 mars sera adoptée en France en 1982 grâce au MLF.
Quelle que puisse être l'origine historique précise de cette journée, en France c'est en 1975 que le Mouvement de Libération des Femmes (MLF) manifestera contre « l’Année internationale de la femme », mise en place par l’ONU et considérée comme une récupération de leur lutte. En 1977, l'organisation prend une résolution invitant tous les États à proclamer un jour de l’année « Journée des Nations unies pour les droits de la femme et la paix internationale ». En 1982, la psychanalyste et militante MLF Antoinette Fouque convainc François Mitterrand, alors Président de la République, de reconnaître le 8 mars comme la Journée des droits des femmes, demandant qu'elle soit chaumée (et payée !) Après avoir créé en 1981 le Ministère des droits des femmes (en remplacement de l'ancien secrétariat d'État aux femmes), François Mitterrand reçoit 400 femmes invitées à l'Élysée. Devant elles, il décrète ce jour « Journée des droits des femmes en France » et déclare : « Les objectifs sont clairs à définir. Ils répondent aux exigences que manifestent les femmes d'aujourd'hui : autonomie, égalité et dignité… »
De nos jours, du moins dans la plupart des pays développés, les femmes ont acquis le droit de vote, elles travaillent, sont propriétaires de biens immobiliers, elles font carrière dans la finance, la politique, elles peuvent choisir ou non de se marier avec l’homme (ou la femme) qu’elles aiment, elles peuvent choisir ou non d’avoir des enfants. Persistent néanmoins de fortes inégalités ; plafond de verre professionnel, discriminations à l'embauche, inégalités salariales, régime de retraites, traitement judiciaire lacunaire des viols et agressions sexuelles, exploitation sexuelle...
Le 8 mars est donc l’occasion de rappeler que la lutte est loin d’être terminée. Il est un jour de rassemblement de toutes les femmes du monde pour la défense de leurs droits, leurs droits humains fondamentaux, en plus de célébrer des acquis sans cesse remis en question, devrait être aussi l'occasion d'un jour de commémoration des millions de femmes, filles et fillettes victimes des obscurantismes religieux, des traditions barbares, de la folie meurtrière des hommes.
In memoriam.
Ce 8 Mars et tous les autres, si nous prenions l'initiative d'honorer par une minute de silence, les femmes victimes :
- de crimes "d'honneur",
- de féminicides,
- de mariages forcés,
- de l'excision,
- des viols de guerre
- de l'esclavage sexuel
De rendre hommage à toutes celles qui subissent dans leur chair et leur âme :
- les violences sexuelles et sexistes,
- les discriminations ordinaires,
- le harcèlement sexuel, au travail, dans la rue, sur internet,
- les violences conjugales,
- la culture du viol
Comment un homme devrait-il marquer cette journée ?
Messieurs, vous souhaitez célébrer dignement le 8 mars ? Gardez vos bouquets de roses pour la saint Valentin, les anniversaires de mariage, ou les coupables témoignages de vos écarts conjugaux. Pour certains d'entre vous, revoyez votre copie féministe, et marquez plutôt votre engagement actif et durable dans la défense des droits des femmes par des actes forts, le premier étant de changer votre vision androcentrée de la femme. Adhérez aux organismes de lutte contre les violences faites aux femmes et aux filles, donnez de votre énergie, de votre temps, de votre argent pour financer les association qui en France, peinent à créer ou maintenir des structures d'accueil pour les femmes en situation de détresse, souvent en danger de mort. Usez de l'influence dont vous jouissez pour sensibiliser vos amis, vos collègues de bureau, dénoncez ouvertement la culture du viol, les comportements sexistes de vos congénères. Enseignez à vos fils le respect des filles et la notion de consentement lorsque bien-sûr vous l'aurez pleinement intégrée, en commençant par leur donner l'exemple à travers leur mère, leur soeur, leur tante, par vos paroles et vos actes. Parce que célébrer le 8 mars ne doit pas permettre l’indifférence et la bonne conscience de tous les autres jours.
F 0
1 - https://www.cairn.info/revue-travail-genre-et-societes-2000-1-page-161.htm
2 - Histoire du 8 mars - 8mars.info
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