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Pornographie et érotisme : quelle différence ?

Pornographie et érotisme : quelle différence ?

Pornographie et érotisme : quelle différence ?

Amalgamer pornographie et érotisme est sans fondement. 

Le mot pornographie a vraisemblablement été inventé en 1769 par Restif de La Bretonne1. Etymologiquement, pornographie renvoie à deux notions : celle d’écriture, graphê en grec, et celle de prostituée, femme vendue, femme marchandise, pornê. L’écriture est un moyen pour décrire, pour représenter, pour "parler de". La pornographie est donc un moyen de figuration de la pornê, cette créature qui symbolise à elle seule une conception des rapports sexuels où la femme est au service du plaisir de l’homme. La prostituée n’est pas sujet mais objet sexuel. Le mot érotisme quant à lui, vient du grec ancien erôtikos lui-même dérivé de érôs, amour et désir. Amour et désir sont deux notions qui portent la dualité, sujet/objet. Je peux être à la fois sujet et objet d’amour et/ou de désir.

L’inclination à la représentation de la sexualité est vivace tout au long de l’aventure humaine et s’exprime dans la grande plaquette d’Enlène, les estampes japonaises, les 85 temples de Khajurâho, les romans de la Chine ancienne, les fresques de Pompei, les toiles du Bernin, de Boucher, de Fragonard ou encore de Schiele. Serait-ce parce que les émotions ne laissent pas de traces tangibles, que l’homme a cherché à en créer dans une tentative de palier son défaut de mémoire ? Certainement aimerions-nous pouvoir faire remonter des limbes mnésiques, avec toute sa puissance émotionnelle, l’instant vécu. Mais nous n’avons pas cette faculté, au mieux gardons-nous de nos émois quelques vestiges fugaces. La frustration qui en découle génère sans doute cette envie d’imprimer extrinsecus (au dehors) ce qui ne peut l’être par l’ars memoriae (l'art de la mémoire).

La reproduction d’émotions sexuelles via la représentation est-elle toujours une pornographie ?

Certainement pas si l’on se réfère à l’étymologie qui nous rappelle qu’au-delà de l’imagerie, la pornographie dépeint une approche des rapports intimes où la femme est objet de plaisir. Pour gagner en précision, nous devrions inventer un nouveau mot qui traduirait l’idée générique de représentation de l’acte sexuel sans autre connotation.

La pornographie a révélé pleinement sa nature dès l’apparition du cinéma avec ses deux composantes inaliénables, soumission féminine et dilatation des orifices. Dans une société androcentrée, le concept de soumission féminine n’a rien de surprenant mais que comprendre de la propension sans cesse réaffirmée de la pornographie à nous montrer des orifices dilatés ? Certainement la volonté de marquer le cantonnement de la femme à un rôle de réceptacle, de symboliser cette fonction par une réduction de ses corps et âme à des orifices que l’on dilate et remplit à souhait pour en indiquer la totale possession. Du début du 20ème siècle à aujourd’hui, ces éléments constitutifs du porno n’ont cessé de se boursoufler. De nos jours, le courant mainstream de la pornographie montre une femme soumise jusqu’à la déshumanisation, réduite au rang d’esclave, d’animal sexuel sans âme ni volonté propre, totalement assujettie à la jouissance de l’homme. Pour résumer, nous pourrions parler de porno pour définir un style de rapports sexuels où la femme est objetisée, et de pornographie pour sa représentation.

L’érotisme, contrairement à la pornographie, n’est pas une représentation de l’acte sexuel mais une démarche sensible, émotionnelle et intellectuelle qui tend à nous éloigner de notre "homme primitif".

L’érotisme est un horizon à la sexualité reproductive, une métamorphose de la sexualité primitive par le biais d’un processus empreint d’intelligence, voire de spiritualité : la fonction érotique. Cette fonction se manifeste dès lors que l’objectif de l’acte sexuel n’est plus la perpétuation de l’espèce mais la jouissance en elle-même. La fonction érotique opère un déplacement des mécanismes psycho-physiologiques de la reproduction en lui assignant un autre but. Dans la société des bonobos, on peut percevoir les prémices de cette fonction sous forme d’un détournement des processus reproductifs à des fins de paix sociale. L’homme, en accédant à la conscience de soi, a pris connaissance de ses sentiments, de ses émotions et de ses actes. En conscientisant la jouissance, il a pu donner à la sexualité humaine d’autres ambitions que celle de la procréation : la volupté et l’orgasme. Comment jouir encore et encore, comment mieux jouir et plus longtemps, sont des questionnements qui ont certainement obsédé l’homme depuis la nuit des temps. Rappelons-nous que le plus vieux godemiché connu a été fabriqué il y a 28 000 ans. L’érotisme englobe toutes les stratégies produites par l’homme en vue de prendre du plaisir. En ce sens, il y a plusieurs déclinaisons de l’érotisme allant du coït agrémenté de quelques caresses aux pratiques les plus poussées : tantrisme, shibari, BDSM, etc. Cela étant, le porno est un érotisme. Un érotisme androcentré, un érotisme de la transgression qui flirte avec la perversion (l’idée du consentement de l’autre en tant sujet érotique étant réduite à sa plus simple expression). L’érotisme ne peut donc être compris comme une représentation de l’acte sexuel, ni comme une forme édulcorée de la pornographie, mais comme un ensemble de pratiques sexuelles aussi diverses que variées. 

En fin de compte,  nous dirons que le champ lexical de la sexualité doit s’enrichir de quelques néologismes aptes à rendre compréhensible les nuances portées par le sujet. Car à ce jour, aucun mot ne définit la représentation d’un acte sexuel non-porno et cela est problématique.  


1 - Nicolas Edme Restif, dit Restif de La Bretonne est un écrivain français né le 23 octobre 1734 à Sacy et mort le 3 février 1806 à Paris.

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