Soirées festives, GHB et seringues hypodermiques
Faute à quelques irréductibles suppôts de la culture du viol, il est impossible pour les jeunes filles et les femmes d’aujourd’hui de faire la fête en toute insouciance.

Des soirées empoisonnées.
Il y a une quinzaine de jours le Guardian révélait qu’une énième jeune fille avait été droguée à son insu lors d’une soirée festive. Le fait n’est malheureusement pas original. Ces dernières années de nombreuses clubbeuses et festivalières ont été sexuellement agressées après avoir été insidieusement intoxiquées au GHB. Ce qui est inédit dans ce nouveau fait d'empoisonnement est le mode opératoire utilisé. Jusqu’à présent les aigrefins de la sexualité forcée tentaient d’abuser de leur victime en incorporant dans leur boisson quelques gouttes de GHB. Le procédé ayant régulièrement fait la une des médias, la plupart des acteurs du monde de la fête avaient pris des mesures préventives, notamment en dotant les verres d’un capuchon protecteur. La disposition, ajoutée à la vigilance renforcée des fêtardes et de leur entourage, avait enrayé les velléités frauduleuses, sans toutefois parvenir à les réduire à néant.
L’alerte lancée par le Guardian fait suite au témoignage d’une jeune étudiante de Nottingham, Sarah Buckle, qui au cœur de la fête a soudainement perdu connaissance et a dû être transportée en urgence à l’hôpital. À son réveil, frappée d’amnésie, se sont ses amis.es qui ont levé ses doutes quant à un éventuel abus sexuel. Une bonne chose car ce n’est pas le cas de toutes celles qui ont été intoxiquées par un sédatif de type GHB. Rappelons que cette gamme de produits provoque des pertes de mémoire partielles ou totales et que généralement les victimes doivent vivre avec l’insupportable hypothèse d’une agression.
L’incident aurait pu s’inscrire dans la longue liste des affaires liées à cette drogue si la jeune Sarah n’avait rapporté que la face dorsale de sa main montrait une ecchymose marquée en son centre par une trace de piqure. Son empoisonnement, vraisemblablement opéré à l’aide d’une seringue hypodermique, a suscité, comme souvent lorsqu’une femme est agressée, le scepticisme des adeptes du déni de réalité. Prétextant qu’il était impossible de piquer une personne sans que cette dernière ne s’en rende compte, ils ont sérieusement mis en doute le témoignage de la jeune étudiante. Des soupçons battus en brèche par la factualité des évènements, Courrier International signalant que la police de Nottingham traitait à l’heure actuelle une quinzaine d’affaires similaires et avait arrêté deux jeunes hommes accusés d’avoir planifié des agressions à la seringue. Si l’on est encore loin d’un phénomène de masse, d’autres témoignages venant du Pays de Galles et de la Suisse, montrent que le cas Buckle n'est pas un épiphénomène ou la fumeuse émanation d'une légende urbaine.
D’une manière générale depuis la réouverture des discothèques et la possibilité d’organiser des évènements festifs d’envergure, des dizaines de jeunes filles, notamment à Montpellier, ont signalé avoir été droguées à leur dépens. Le retour à la normale semble donc être pour la gent féminine le retour à l’anormal, l’anxiété et la peur justifiée de l’agression sexuelle. Très clairement il est impossible pour les jeunes filles et les femmes d’aujourd’hui de faire la fête en toute insouciance. Entre les mains baladeuses, les dragues franchement lourdingues, les comportements sexuellement agressifs et les tentatives d’empoisonnement au GHB, leurs soirées s’apparentent à des loteries où il y peu à gagner et beaucoup à perdre. Un état de fait que l’on doit encore et encore dénoncé, tout en rappelant que ce sont bien les attitudes masculines qui doivent être mises en cause et non le manque de vigilance des femmes.
De toute évidence, sans un durcissement radical des sanctions pénales, une prise de conscience de la part des juges qu’une agression est une agression de trop, il sera difficile de juguler les passages à l’acte. D’autant plus que la culture du viol, copieusement entretenue par la diffusion et la consommation massive de porno hardcore, empoisonne plus que jamais les relations homme-femme. En réaction à la multiplication des tentatives d’abus sexuel, via la prise non consentie de drogue, des étudiantes de Bruxelles ont créé un compte Instagram « Balance ton bar ». Il s’agit de pointer du doigt les établissements où les filles sont fréquemment importunées et les contraindre à prendre des mesures de protection en leur faisant poindre l’éventualité d’un boycott. Une initiative qui espérons fera de nombreuses émules...
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