Témoignage : le porno tue la vie intime

Témoignage : le porno tue la vie intime

Diplômé de l'Institut de Sexologie du docteur Jacques Waynberg, Eric Royer répond aux questions des abonnés.es.

La pornographie est un poison relationnel

Louise, 45 ans, infirmière libérale

Je suis en couple depuis treize ans avec un homme que j’aime profondément et qui m’aime, enfin je le croyais. Nous sommes tous les deux des grands fans de concert et de sorties culturelles. Il a huit ans de moins que moi, mais jusqu’à présent cela ne m’a jamais inquiétée quant à l’avenir. Il y a un mois de ça j’ai découvert qu’il était un grand consommateur de pornos, alors qu’il a toujours tenu un discours féministe, anti-porno, etc… J’ai été choquée, parce que depuis trois ans au moins nous n’avons que des rapports sexuels rapides une fois de temps en temps parce que monsieur dit qu’il n’a plus vraiment envie de sexe, qu’il n’y trouve plus rien d’intéressant et qu’il y a autre chose à faire que ça dans la vie. Je reconnais que je suis moins attirante qu’il y a quelques années, j’ai pris du poids que j’ai eu du mal à perdre suite à ma grossesse, et quand je vois les filles du porno, jeunes, belles, etc… je me dis que c’est horrible. Je l’ai invité à consulter avec lui une sexologue, mais il refuse catégoriquement. Je me sens salie, trompée et je lui en veux terriblement. Est-ce que je suréagis ?

Ce que j’en pense

À contre-courant de ce que peuvent raconter les auto-proclamés experts médiatiques de la sexualité érogène, je ne vous dirai pas qu’il est normal pour un homme de regarder du porno. Certes, la chose est banale aujourd’hui avec l’avènement d’internet haut-débit et la glamourisation de la pornographie, mais banal ne signifie pas normal ni que la pornophilie soit, à priori, acceptable.

La pornographie pose deux problèmes principaux. Le premier est l’objectification du féminin au profit des seuls désir et orgasmes masculins. Personne ne le mentionne, mais à l’instar des prostituées, les hardeuses ne sont que des objets sexuels dont les hommes s'arrogent le droit d'user et d'abuser à l’envi. Soyons clair, pornographie et prostitution sont deux extensions d’un même et unique fantasme masculin de domination sexuelle. Le second est de contaminer le potentiel émotionnel du consommateur. Autrement dit, le pornophile assidu, régulier, n’a plus la possibilité de trouver dans la relation romantique les ressorts érogènes indispensables à la réalisation du projet érotique de couple. C’est exactement ce que vous vivez avec votre compagnon qui prétend ne plus avoir envie de sexe, mais qui en réalité est intoxiqué par la pornographie, dont le modèle d'excitation, basé sur la soumission brutale et sans limite des femmes, n’est pas reproductible, sans passage à l’acte violent, dans l’intimité de la scène conjugal. Votre corps n’est donc pas le nœud du problème, pas plus que la "beauté" ou la jeunesse des actrices porno. La véritable question est celle de la pornodépendance de votre compagnon, de son conditionnement émotionnel dont il ne pourra se départir sans l’aide d’un ou d’une thérapeute avertie.

Par ailleurs il est tout à fait salutaire que vous vous sentiez salie et trompée, je dirais même que ce sentiment révèle une maturité relationnelle qui vous permet de ne pas tout accepter au nom de l’amour. Il existe des lignes rouges que l’on ne peut franchir sans en subir les conséquences, votre compagnon doit en prendre conscience. Maintenant s’il refuse votre proposition de consulter une sexologue, donc de se remettre en question et de se soigner, la séparation s’impose. 

Les réflexions proposées s’établissent sur les faits que vous rapportez. Pour poser un diagnostic il est indispensable d'avoir la vision la plus holistique possible de votre situation et la consultation en couple est la seule option envisageable.