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Virginité : le poids de l'histoire

Virginité : le poids de l'histoire

Virginité : le poids de l'histoire

La virginité a-t-elle encore un sens ?

Aussi loin que la mémoire collective puisse en témoigner, la virginité des femmes a revêtu une importance tournant parfois à l’obsession. Bien que le concept ait évolué au fil du temps, il demeure encore aujourd'hui un élément fondateur d’une distinction symbolique entre deux états de la féminité. 

Comme le précise Florence Quentin en 2009 dans un article du Monde des Religions, les divinités proche-orientales de la fertilité et de l’amour, Ishtar, Astarté ou Anat, qui avaient toutes des amants et un ou plusieurs fils étaient considérées comme vierges. La notion de virginité, détachée de celle de chasteté, marquait à la fois une qualité, une attitude psychologique et un état subjectif d’insoumission à l’autorité des hommes. 

Virginité et religions.

Dans la Tradition chrétienne, la virginité incarnée par Marie reprend certains fondamentaux de la conception virginale des déesses antiques. Telle Neith l’Égyptienne qui engendre le dieu soleil Râ sans partenaire mâle, la Vierge Marie est à la fois mère du Christ et mère de Dieu tout en ayant préservé sa pureté virginale. Cependant, la chasteté sacrée de Marie ne symbolise plus l’indépendance du féminin à l’égard du masculin, elle prend une connotation spirituelle empreinte de rigorisme, car pour les Pères de l’Église il s’agit d’affranchir la mère du Christ d’une sexualité honnie, celle de la femme tentatrice et cause de « La chute de l’Homme ». Marie proclamée « innocente et sans péché, inviolée, sans tache, qui a fleuri comme un lis parmi les épines… ignorante des mauvais penchants d’Eve », préservée de la souillure du péché originel peut devenir, selon le philosophe Michel Cazeneuve, le « temple de Dieu, une chapelle consacrée, une couche sanctifiée, et ses entrailles le trône ou Jésus peut siéger. » 

Si les chrétiens ont en quelque sorte sublimé la virginité, lui donnant une valeur éminemment mystique, il n’en est pas de même pour les deux autres religions monothéistes qui la perçoivent en des termes plus pragmatiques. Pour les juifs, la virginité des filles semble surtout une question d’honneur familial, authentifiant la filiation ainsi que la pureté de la descendance, et le processus éducatif de la jeune fille tendrait à la conditionner pour qu'elle conserve son bien le plus précieux jusqu’au jour du mariage. Cependant il est difficile de trouver des éléments précis pour affirmer qu’ils y accordent une importance excessive. Chez les musulmans, où l'interprétation sexiste du Coran cantonne la femme au mariage, la procréation et la satisfaction des désirs sexuels de l’homme, la virginité se conçoit comme un trésor réservé au futur époux. Les femmes se doivent d’être exemptes de la souillure pour être mariées, « souillure » qui fait notablement écho au dogme chrétien de la virginité de Marie, nommée Myriam dans le Coran, mère de Isâ (Jésus), « celle qui a conservé sa virginité ». La sociologue féministe marocaine Soumaya Guessous remarque que dans son pays « l’honneur de la famille se mesure à la virginité de la femme […] Peu importe ce qu’une femme a accompli dans sa vie, on juge sa valeur à partir de cette membrane très fragile qu’est l’hymen. Dans certains milieux, une fille non vierge est aussitôt assimilée à une prostituée. » La symbolique de la virginité islamique est une composante essentielle des relations entre les deux sexes qui marque la domination de l’homme dans les rapports conjugaux et l’on peut présumer que le rituel de la défloration accompli lors de la nuit de noces possède plusieurs fonctions : valider la pureté de la femme, lui assurer le cas échéant respectabilité et intégration sociale, ainsi qu'inaugurer officiellement son statut de femme sexuellement active. Quelle que soit la qualité accordée à la virginité, chrétiens, juifs et musulmans s'entendent pour reconnaître dans l’hymen préservé, la preuve de cet état. 

L'hymen en question.

Le terme hymen vient du grec ancien, ὑμήν. Anatomiquement, on le définit comme une fine membrane plus ou moins vascularisée qui, chez la plupart des femmes, obstrue partiellement l’entrée du vagin. Celle-ci n’est pas un caractère exclusif de l’espèce humaine, contrairement à ce que Carl von Linné et Albert de Haller, naturalistes suédois et suisse, ou encore Johann Friedrich Blumenbach, anthropologue et biologiste allemand, avaient supposé. On sait aujourd’hui que toutes les femelles mammifères possèdent un hymen in utero, lequel semble disparaître, sauf pour quelques espèces, après la naissance pour ne subsister qu’à l’état de vestige. À de rares exceptions près, toutes les femmes possèdent un hymen, mais tous les hymens ne sont pas identiques, on les répertorie suivant la forme et la complexité de leur ouverture.


Quelques configurations de l'hymen

Le rapport entre hymen et virginité répond plus à des croyances et lieux communs qu’à une réalité gynécologique. Certains hymens sont dits complaisants, c’est-à-dire suffisamment souples pour que la pénétration du pénis ne les endommage pas. D’autres au contraire d’une extrême fragilité peuvent se déchirer lors de l’insertion d’un tampon hygiénique, à fortiori d’une coupe menstruelle, d’une activité sportive ou d'une masturbation vaginale. De plus, l’idée que la rupture de l’hymen s’accompagne obligatoirement d’un saignement est totalement erronée car principalement dépendante de sa vascularisation. Très clairement, toute prétention de faire de l’hymen un témoin de virginité est une manifeste escroquerie intellectuelle.


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